Sidérurgie Européenne : La Tempête Parfaite Déferle sur les Hauts Fourneaux
L’annonce récente de British Steel concernant la fermeture imminente de ses hauts fourneaux de Scunthorpe, ainsi que d’autres installations au Royaume-Uni, n’est que le dernier soubresaut d’une industrie sidérurgique européenne en proie à une crise profonde et persistante. Le géant chinois Jingye, propriétaire de British Steel, invoque des « conditions de marché difficiles et des pertes financières importantes », mais ces mots masquent un ensemble de facteurs complexes et interconnectés qui menacent la survie même de la sidérurgie sur le Vieux Continent.
Alain Le Grix de la Salle, patron d’Arcelor-Mittal France, a tiré la sonnette d’alarme en début d’année, affirmant que « tous les sites européens présentent aujourd’hui des risques de fermeture » si des mesures drastiques ne sont pas prises pour protéger ce secteur stratégique. Mais quelles sont ces menaces qui planent sur les aciéries européennes, transformant des géants industriels en proies faciles ?
British Steel, initialement encline à remplacer ses installations obsolètes par des fours électriques plus modernes et écologiques, a finalement jeté l’éponge. Cette décision brutale, synonyme de licenciements massifs potentiels (jusqu’à 2700 personnes), souligne l’ampleur du désastre financier : l’entreprise affirme perdre jusqu’à 840 000 euros par jour. Mais pourquoi cette hécatombe ?
Un premier coup de poignard est venu d’outre-Atlantique, avec l’imposition par Donald Trump de droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium importés aux États-Unis. Ces mesures protectionnistes, bien que ciblant initialement la Chine, ont eu un effet domino dévastateur sur les exportations européennes, réduisant les marges déjà faibles des sidérurgistes. Ces droits de douane, des taxes imposées sur les marchandises importées, ont donc agi comme un catalyseur, accélérant le déclin.
Mais l’offensive américaine n’est que la partie émergée de l’iceberg. La sidérurgie européenne est également asphyxiée par des coûts énergétiques prohibitifs, un handicap majeur pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie. Combiné à cela, une surproduction massive d’acier chinois inonde le marché mondial, tirant les prix vers le bas et rendant la concurrence insoutenable pour les producteurs européens, grevés par des charges fiscales et sociales bien plus lourdes. En 2024, la Chine a exporté entre 100 et 120 millions de tonnes d’acier, soit l’équivalent de toute la consommation européenne annuelle. Difficile de rivaliser avec des acteurs bénéficiant d’avantages comparatifs aussi considérables.
Enfin, le manque de demande intérieure en Europe, conséquence d’une croissance économique anémique, achève de plomber les perspectives du secteur. Avec la conjonction de ces facteurs défavorables, « la coupe est pleine », comme l’illustre la situation critique de British Steel.
Le groupe Tata Steel, concurrent de British Steel outre-Manche, a également mis à l’arrêt son dernier haut fourneau au Pays-de-Galles, entraînant la suppression de 3000 emplois. En Allemagne, Thyssenkrupp prévoit de supprimer 11 000 postes d’ici 2030, soit 40% de ses effectifs. Même Arcelor-Mittal, le géant du secteur, est contraint de suspendre ses investissements dans la décarbonation (le processus visant à réduire les émissions de carbone) près de Dunkerque, renonçant à un projet de 2 milliards d’euros.
Face à cette situation alarmante, les sidérurgistes européens ne réclament pas des subventions ponctuelles, mais une réforme fiscale et réglementaire profonde, notamment en ce qui concerne le coût des émissions de carbone (le coût financier associé à la production de gaz à effet de serre). Ce nœud gordien, difficile à délier, nécessite une volonté politique forte et une vision à long terme pour sauver un secteur industriel vital pour l’Europe. Le risque, sinon, est de voir les hauts fourneaux s’éteindre les uns après les autres, transformant des régions entières en friches industrielles et condamnant des milliers de travailleurs au chômage.
Cet article a été fait a partir de ces articles:
https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/avec-les-deboires-de-british-steel-une-nouvelle-illustration-de-la-crise-de-la-siderurgie-en-europe-4250717, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/les-delais-de-paiement-fragilisent-de-nombreuses-pme-alerte-le-mediateur-des-entreprises-1980187, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/emploi-des-cadres-des-responsabilites-davantage-percues-par-les-quadras-comme-une-source-de-pression-qu-un-levier-de-promotion-7039982, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/la-saisie-de-produits-contrefaits-s-envole-en-france-avec-22-millions-d-articles-interceptes-ou-retires-du-marche-en-2024-7006180, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-eco/le-futur-ex-patron-d-edf-regrette-l-engagement-insuffisant-de-l-etat-pour-le-financement-de-la-relance-du-nucleaire-1235529
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