La guerre en Ukraine, loin d’être un simple conflit territorial, est devenue un théâtre d’opérations aériennes où l’ingéniosité et l’audace ukrainiennes défient la puissance militaire russe. Alors que l’on parle d’usure et de guerre totale, une troisième dimension, insidieuse et spectaculaire, se déploie : la guerre des images et, plus précisément, la guerre des drones. Des vidéos, régulièrement diffusées par l’armée ukrainienne, mettent en scène des frappes chirurgicales contre des hélicoptères, des navires de guerre et même, plus récemment, des installations satellitaires russes en territoire russe.

Ces actions, loin d’être des coups d’éclat isolés, révèlent une stratégie audacieuse et efficace. La destruction d’hélicoptères et de navires, filmée avec une précision glaçante, témoigne de la maîtrise croissante des techniques de combat par drones, notamment grâce à l’utilisation de drones FPV (First Person View), des engins équipés de caméras offrant une vue subjective immersive du pilotage et de l’impact. Mais c’est l’attaque contre les installations satellitaires russes à Tiotkino, dans l’oblast de Koursk, qui marque un tournant. Le 17 janvier 2025, l’HUR MOU (Direction générale du renseignement du ministère de la Défense ukrainien) a publié une vidéo montrant la destruction de dispositifs au sol permettant l’utilisation des capacités des satellites russes Yamal-401, Yamal-402 et Yamal-300K, des satellites de télécommunications géostationnaires (orbite à 35 786 km, synchronisée avec la rotation terrestre).

Pourquoi cibler ces installations au sol plutôt que les satellites eux-mêmes ? La destruction de satellites en orbite est généralement proscrite par le droit international, en raison du risque de création de débris spatiaux et du syndrome de Kessler, un scénario catastrophe où une cascade de collisions satellitaires rendrait l’espace proche de la Terre impraticable. L’approche ukrainienne se révèle donc astucieuse : frapper les infrastructures terrestres, vitales pour l’exploitation des satellites, est une solution alternative efficace et juridiquement plus acceptable, tout en déstabilisant les capacités de renseignement, communication et géolocalisation de l’armée russe.

Ce n’est pas la seule forme de « guerre électronique » que déploie l’Ukraine. L’usage de cyberattaques contre les satellites, moins médiatisé, représente une autre menace sérieuse, comme le prouvent des incidents passés tant du côté russe que des pays occidentaux. L’attaque de Tiotkino montre la volonté de Kiev d’intégrer une guerre hybride, associant le cinétique (frappes de drones) et le non-cinétique (cyberguerre), pour perturber les capacités de la puissance russe.

La situation militaire actuelle de l’Ukraine est difficile, mais la guerre des drones lui offre un avantage tactique crucial. Ces engins bon marché, rapides à déployer et relativement faciles à produire, permettent d’obtenir des résultats significatifs le long de la ligne de front, mais également en profondeur. L’offensive de Koursk, une incursion sur territoire russe inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, illustrent clairement la puissance de ce nouveau mode opératoire. L’utilisation massive de drones permet à l’Ukraine de défier la Russie sur son propre terrain, malgré une infériorité matérielle sur d’autres plans.

L’escalade des attaques de drones contre les infrastructures énergétiques russes, qualifiées de « terrorisme énergétique » par Moscou, est un autre aspect de cette guerre asymétrique. L’impact direct sur le front est limité, car la Russie possède de vastes réserves, notamment en Sibérie, hors de portée des drones. Cependant, la destruction répétée d’installations de production, de stockage et de transport entraine des coûts de réparation importants, des retards dans les livraisons, une perturbation des flux énergétiques, et renforce une pression économique constante. Ce mode de combat vise à une déstabilisation à long terme de l’économie et du potentiel militaire russe, une stratégie d’usure insidieuse.

En conclusion, la guerre des drones en Ukraine a transformé radicalement le champ de bataille. L’Ukraine a prouvé qu’une technologie abordable, utilisée de manière stratégique, peut défier les forces d’un adversaire militairement supérieur. Ce conflit dévoile ainsi une nouvelle dimension de la guerre moderne, où l’innovation technologique et l’ingéniosité tactique sont des atouts déterminants, remettant en question les concepts traditionnels de puissance militaire et de supériorité technologique. Le futur des conflits est-il désormais écrit dans le ciel, sous la forme d’essaims de drones ?

Cet article a été fait a partir de ces articles: https://www.numerama.com/tech/1888834-video-des-drones-ukrainiens-detruisent-des-capacites-satellitaires-en-russie.html https://www.bbc.com/news/articles/cjw4q7v7ez1o https://www.ouest-france.fr/europe/ukraine/guerre-en-ukraine-incendie-a-ryazan-dans-une-attaque-massive-de-drones-le-point-sur-la-nuit-ef1c4535-8ea6-4246-be46-6f58bebb8ab1?utm_source=fluxpublicactu&utm_medium=fluxrss&utm_campaign=banquedecontenu https://www.france24.com/fr/europe/20250114-drones-ukrainiens-assaut-infrastructures-énergétiques-russes