Le 20 janvier 2025, lors de la célébration de l’investiture de Donald Trump, Elon Musk, l’homme le plus riche du monde et désormais allié politique incontournable du nouveau président, a réalisé un geste qui a déclenché une controverse planétaire. Après avoir remercié la foule, il a tendu le bras droit devant lui, la paume tournée vers le bas, un geste répété. Pour certains, il s’agissait d’un salut nazi, une référence inquiétante compte tenu des accointances de Musk avec l’extrême droite. Pour d’autres, il ne s’agissait que d’un geste maladroit, une exubérance mal interprétée. Mais au-delà de l’interprétation immédiate, le geste d’Elon Musk révèle une stratégie politique subtile et audacieuse, un calcul froid masqué derrière un masque d’excentricité.

La polémique a immédiatement enflammé les réseaux sociaux. Des historiens spécialistes du fascisme, comme Ruth Ben-Ghiat de l’Université de New York, n’ont pas hésité à qualifier le geste de « salut nazi, et de surcroît belliqueux ». En revanche, l’Anti-Defamation League (ADL), organisation de lutte contre l’antisémitisme, a adopté une position plus nuancée, suggérant un geste maladroit plutôt qu’un salut volontairement nazi. Cette divergence d’opinions illustre la complexité de l’interprétation et l’ambiguïté même du geste.

Cependant, l’ambiguïté est précisément ce qui rend le geste si efficace. Andrea Stroppa, un proche de Musk ayant facilité ses liens avec la Première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Meloni, a initialement publié la vidéo du geste avec la légende « L’Empire romain est de retour, à commencer par le salut romain ». Ce « salut romain », largement utilisé par le parti fasciste italien de Mussolini puis par Hitler, renforce l’interprétation négative du geste de Musk. Stroppa a par la suite supprimé son message, expliquant que Musk, autiste, exprimait simplement ses sentiments. Cette tentative de dédramatisation, elle aussi, est une stratégie calculée. L’explication, aussi improbable soit-elle, alimente le débat et maintient Musk au centre de l’attention médiatique.

La réaction de Musk lui-même est tout aussi révélatrice. Il a rejeté les critiques en accusant ses adversaires de recourir à des « coups tordus » et en qualifiant l’attaque « tout le monde est Hitler » de « tellement dépassée ». Cette réponse, ironique et dédaigneuse, ne fait qu’attiser les flammes. Il s’agit d’une stratégie de diversion classique, visant à dévier l’attention des accusations graves et à discréditer ses détracteurs. En accusant ses opposants d’utiliser une rhétorique usée, il se positionne en victime et, implicitement, légitime son geste.

Mais pourquoi un tel risque ? Pourquoi un geste aussi ambigu et potentiellement dommageable ? L’explication réside probablement dans la stratégie politique de Musk, de plus en plus ouvertement orientée vers l’extrême droite. Son soutien récent au parti allemand d’extrême droite AfD, ainsi qu’au parti anti-immigration britannique Reform UK, ne laissent aucun doute sur son positionnement. Le geste controversé est ainsi une manière de consolider son image auprès d’un électorat cible : les jeunes hommes blancs, majoritairement attirés par un discours anti-système et anti-establishment.

Musk, grâce à sa fortune colossale et à sa mainmise sur le réseau social X (ex-Twitter), dispose d’un immense pouvoir d’influence. Son objectif est de saturer le débat public, de polariser l’opinion et de forcer les autres acteurs politiques à réagir à ses provocations. Son bras tendu est donc bien plus qu’un simple geste spontané ; c’est un acte politique calculé, une manœuvre pour asseoir sa puissance et influencer le cours du débat public. Il s’inscrit dans une stratégie plus large consistant à attiser les divisions et à instrumentaliser la controverse pour gagner du terrain politique. Son message implicite est clair : «Je suis provocateur, je suis subversif, et je m’en fous».

En conclusion, le « salut romain » d’Elon Musk, qu’il s’agisse d’un geste maladroit ou d’une provocation calculée, représente un cas d’étude fascinant dans l’ère de la politique de la polarisation et du populisme. Il illustre la complexité croissante de la communication politique et la puissance des nouveaux médias pour influencer le cours de l’histoire. Le débat sur la signification du geste est loin d’être clos, mais son impact sur la perception publique d’Elon Musk et son rôle au sein de l’administration Trump est indéniable. La question qui persiste est de savoir si cette stratégie audacieuse, qui s’appuie sur l’ambiguïté et la provocation, portera ses fruits à long terme. Seul l’avenir pourra répondre à cette question.

Cet article a été fait a partir de ces articles:
https://www.bbc.com/news/articles/cy48v1x4dv4o
https://www.liberation.fr/politique/investiture-de-trump-pourquoi-le-bras-tendu-delon-musk-est-un-geste-bien-calcule-20250121_TGKDLBZL65GV3JRA64DMEFZKDY/
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/21/salut-nazi-ou-non-discorde-aux-etats-unis-sur-l-attitude-de-musk-a-la-soiree-d-investiture-de-trump_6509075_3210.html?utm_source=flipboard&utm_content=LeMonde/magazine/International
https://www.france24.com/fr/émissions/ici-l-europe/20250117-désinformation-et-ingérence-dans-les-élections-allemandes-elon-musk-déstabilise-l-europe