En 2025, François Bayrou, figure centrale de la politique française, a mis en place une série de rituels matinaux que l’on appelle désormais la ‘diplomatie du petit-déjeuner’. Loin des ors de la République et des communiqués officiels, ces rencontres matinales se veulent un catalyseur de cohésion et de fluidité au sein d’un gouvernement composite. Mais derrière l’image d’Épinal d’une équipe soudée autour de croissants et de café, se cache une réalité plus complexe, voire subversive.

La ‘diplomatie du petit-déjeuner’, un terme inventé pour décrire ces rendez-vous, se décline en plusieurs versions. La première, la plus régulière, rassemble tous les ministres à Matignon à 7h30 du matin. Vu de l’extérieur, cela ressemble à un Conseil des ministres allégé, sans la présence du Président. Le Premier ministre y fait le point sur des sujets transversaux, anime l’équipe, et insiste sur la notion de ‘collectif’. Un ou deux ministres présentent un sujet technique, et la parole circule librement. Cependant, il est crucial de noter que ces petits-déjeuners ne sont pas le lieu des décisions stratégiques. Celles-ci sont prises en comité plus restreint. Un jeune ministre confie y voir surtout un moyen de ‘savoir ce que préparent les autres’, tandis qu’une autre y perçoit une occasion de ‘créer du lien’.

Plus subversif encore est le témoignage de ce ministre Les Républicains (LR), qui avoue avoir découvert lors de ces petits-déjeuners des ministres macronistes qu’il ne connaissait pas personnellement, et avoir été agréablement surpris. Cette ‘diplomatie du petit-déjeuner’ pourrait donc être un outil de déconstruction des préjugés et des clivages partisans, une tentative audacieuse de transcender les étiquettes politiques au profit d’une action gouvernementale plus unie.

Tous les mardis, Bayrou réunit également les chefs des groupes parlementaires de la majorité, tant à l’Assemblée qu’au Sénat. Paradoxalement, personne ne le considère vraiment comme le ‘chef de la majorité’, une expression qui suscite même des rires, compte tenu de la majorité relative à l’Assemblée et du manque d’unité affiché par ce ‘socle commun’. Le terme de ‘coordinateur’ est préféré. L’objectif est de mettre en musique le travail législatif et de créer un lieu d’échange entre des figures politiques comme Laurent Wauquiez et Gabriel Attal, qui n’ont que peu d’occasions de se rencontrer. Cependant, certains parlementaires se demandent parfois ce qu’ils font là, qualifiant ces réunions de ‘café du commerce’ où l’on commente l’actualité, et soulignant que la seule question importante est de savoir qui veut un yaourt.

Enfin, un troisième type de rendez-vous a vu le jour : le dîner réunissant les chefs des partis du socle commun. Cette initiative, née dans la foulée de tensions entre Édouard Philippe et François Bayrou, vise à coordonner les partis politiques en vue des prochaines échéances électorales, notamment les municipales. L’histoire ne dit pas si des yaourts étaient au menu.

La ‘diplomatie du petit-déjeuner’ de François Bayrou est donc un dispositif complexe, aux objectifs multiples et aux résultats contrastés. Si elle peut favoriser la cohésion gouvernementale, la déconstruction des préjugés et la coordination législative, elle peut aussi se réduire à un simple rituel formel, voire à un ‘café du commerce’ improductif. Reste à savoir si cette tentative de subversion des codes politiques traditionnels portera ses fruits à long terme, ou si elle ne restera qu’une anecdote dans l’histoire mouvementée de la Ve République.

Cet article a été fait a partir de ces articles:

https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-politique/francois-bayrou-et-la-diplomatie-du-petit-dejeuner-1713150, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-politique/le-sujet-de-la-fin-de-vie-de-retour-a-l-assemblee-9668617, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-politique/reforme-electorale-un-pas-vers-plus-de-parite-pour-les-communes-de-moins-de-1-000-habitants-6207650, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-politique/presidentielle-2027-le-bloc-central-affiche-son-unite-mais-a-la-fin-il-ne-devra-rester-qu-un-candidat-7879851, https://www.radiofrance.fr/franceinfo/podcasts/le-brief-politique/dans-l-ombre-depuis-des-mois-voire-des-annees-d-anciens-premiers-ministres-veulent-revenir-dans-l-arene-politique-8467254