Nous vivons à une époque où la vérité est une denrée rare, constamment menacée par un déluge de désinformation. Ce qui est particulièrement insidieux, c’est la manière dont la science, autrefois phare de la raison et de l’objectivité, est parfois détournée de son but premier et instrumentalisée pour propager des narrations trompeuses. L’exemple le plus récent et alarmant est l’émergence de ce que nous appellerons ici, faute de mieux, la « désinformation quantique ».

Qu’est-ce que la désinformation quantique? Il ne s’agit pas de physique quantique au sens propre, bien entendu. Le terme désigne plutôt une stratégie rhétorique qui consiste à emprunter le vocabulaire et les concepts complexes de la physique quantique (superposition, intrication, incertitude, etc.) pour enrober des affirmations pseudoscientifiques ou idéologiques, les rendant ainsi plus difficiles à réfuter et plus susceptibles d’être acceptées par un public non averti. L’attrait de la physique quantique réside dans son caractère contre-intuitif et dans la perception, souvent erronée, qu’elle remet en question les fondements mêmes de la réalité. Ce halo de mystère et de complexité est exploité sans vergogne.

Le problème est que ces concepts, sortis de leur contexte rigoureux et appliqués à des domaines où ils n’ont aucune pertinence, deviennent des coquilles vides. L’affirmation selon laquelle « nos pensées créent notre réalité », par exemple, est souvent justifiée par une vague référence à l’observation de l’effondrement de la fonction d’onde en mécanique quantique. Or, cette analogie est fallacieuse. L’effondrement de la fonction d’onde est un processus physique précis qui se produit dans des conditions expérimentales spécifiques, et il n’a absolument rien à voir avec la capacité d’influencer le monde par la seule force de la pensée.

De même, l’intrication quantique, phénomène par lequel deux particules peuvent être liées de telle sorte que l’état de l’une affecte instantanément l’état de l’autre, quelle que soit la distance qui les sépare, est parfois utilisée pour justifier des idées de « connexion universelle » ou de « conscience collective ». C’est une extrapolation abusive et dangereuse. L’intrication est un phénomène quantifiable et mesurable, qui n’implique aucune forme de télépathie ou d’influence mystique à distance.

Le danger de la désinformation quantique réside dans sa capacité à masquer des idéologies douteuses sous un vernis scientifique. Elle peut être utilisée pour promouvoir des thérapies alternatives non prouvées, justifier des croyances spirituelles infondées, ou encore défendre des théories du complot farfelues. En bref, elle offre une caution pseudo-scientifique à des narrations qui, autrement, seraient plus facilement rejetées.

Comment lutter contre cette forme de désinformation ? La réponse réside dans l’éducation et l’esprit critique. Il est crucial de développer une compréhension de base des principes de la méthode scientifique, de la différence entre corrélation et causalité, et de la nécessité de preuves empiriques solides pour étayer une affirmation. Il est également essentiel d’être conscient des biais cognitifs qui peuvent nous rendre plus vulnérables à la désinformation, tels que le biais de confirmation (la tendance à rechercher des informations qui confirment nos croyances préexistantes) ou l’effet Dunning-Kruger (la tendance à surestimer ses compétences dans un domaine que l’on maîtrise mal). Enfin, il faut oser remettre en question les affirmations, même celles qui sont présentées comme « scientifiques », et exiger des preuves tangibles avant d’accepter une idée comme vraie.

La physique quantique est une discipline scientifique fascinante et complexe, mais elle ne doit pas être instrumentalisée pour propager des illusions. Restons vigilants et exerçons notre esprit critique face à toute affirmation qui prétend s’appuyer sur la science pour justifier des idées non prouvées ou idéologiquement motivées. La vérité, aussi difficile à atteindre soit-elle, mérite d’être défendue.

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